Le riz en Haïti.
Le Nouvelliste. Avril 2020.
Une analyse très intéressantes sur les problèmes particuliers de l’agriculture haïtienne.
Le riz continue d’être un aliment de base pour les Haïtiens. Alors que sa consommation n’a fait que grimper ces deux dernières décennies, sa production n’a cessé de décliner dans l’intervalle, forçant le recours à l’importation massive afin de satisfaire la demande nationale. Pour la campagne 2020/21, allant de juillet 2020 à juin 2021, la production de riz à travers le pays devrait atteindre 75 000 tonnes métriques (TM) tandis que les importations passeraient à 495 000 TM, selon des statistiques communiquées par le Département d’Agriculture des États-Unis (USDA, en anglais), d’où provient plus de 90% du riz importé par Haïti.
D’une campagne à l’autre, la production de riz en Haïti devrait rester stable, soit 75 000 TM en 2019/20 et en 2020/21, grâce notamment à une superficie de récolte de 66 000 hectares, elle aussi restée stable. Toutefois ces prévisions dépassent de plus de 15% la production de riz de la campagne 2018/19. Le rapport évoque en guise d’explication des conditions climatiques revenues à la normale avec la fin du phénomène « El Niño » en août 2019.
« Les précipitations en janvier et février 2020 étaient conformes aux tendances normales. Pour la saison de printemps 2020, on s’attend à de bonnes précipitations dans tout le pays. Pour la campagne 2020/21, on prévoit une superficie stable de récolte, car ni le gouvernement haïtien ni les acteurs privés n’ont introduit ou annoncé de plans d’extension de la superficie plantée actuelle », détaille le rapport de l’USDA, rendu public en date du 15 avril 2020, qui établit, dans les conditions climatiques actuelles, le rendement du riz à 2,06 TM par hectare pour la campagne 2020/21.
« Les producteurs continuent d’avoir un accès limité à l’eau d’irrigation pour les rizières. De plus, l’utilisation d’engrais reste limitée. Le gouvernement d’Haïti devrait subventionner les engrais pour accroître leur accessibilité aux agriculteurs, bien que la quantité d’engrais n’ait pas été spécifiée ni sa date d’approvisionnement », avance le document pour justifier le faible niveau de rendement à l’hectare du riz national durant les deux dernières campagnes. En outre, pour la campagne 2020/21, l’USDA ne prévoit pas d’augmentation du rendement, car l’économie haïtienne ne devrait pas encore être complètement récupérée de l’impact du Covid-19.
Au-delà des obstacles à un meilleur rendement susmentionnés, les producteurs de riz sont également confrontés à des contraintes financières, techniques et de gestion. « Les fonds manquent souvent pour la recherche en agriculture. Les résultats des quelques projets de recherche sur le rendement et l’adaptabilité des variétés de riz étaient inaccessibles aux agriculteurs en raison d’un manque de fonds pour la diffusion de l’information. En outre, l’accès des producteurs au crédit pour la production agricole est encore limité, même avec la création récente de la Banque nationale de développement agricole. La plupart des agriculteurs n’ont pas les moyens d’acheter du matériel agricole ou d’investir dans des technologies innovantes ou des infrastructures agricoles », précise le rapport de l’USDA.
Forte de toutes ces contraintes entravant son rendement à l’hectare, réduisant in fine à peau de chagrin sa production, la consommation du riz pourtant n’a cessé d’avoir le vent en poupe, au détriment des autres produits de base. « En 1995, le taux de droit sur les importations de riz est passé de 50% à 21%, ce qui a eu un impact important sur l’accès au riz », souligne le rapport. Toutefois, il existe une variable non négligeable à prendre en considération pour saisir comment le riz a gagné aussi rapidement du terrain dans l’alimentation haïtienne.
« Pour la campagne 2019/20, la consommation devrait atteindre 570 000 tonnes. Cette augmentation est due à l’augmentation de la population haïtienne. Contrairement aux attentes, l’agitation politique n’a pas eu d’impact sur la consommation par habitant, estimée à 51 kilogrammes par an », révèle l’USDA qui, au passage, établit à 580 000 TM riz la consommation pour la campagne 2020/21, sous condition d’une stabilisation de la situation politique.
L’année 2019 n’était pas de tout repos. Autrement dit pour surmonter la situation de sécurité dans les ports, certains importateurs de riz ont utilisé d’autres ports de débarquement plus sûrs et ont également fait appel au service d’escorte de la PNH ou à des sociétés de sécurité privées pour empêcher les détournements. Ces changements ont augmenté les frais de transport du nouveau port de débarquement aux installations de stockage ainsi que les coûts d’exploitation.
Par ailleurs, la capacité de stockage du riz en Haïti demeure inversément proportionnelle à l’évolution accélérée de sa consommation. « Les stocks de riz en Haïti sont limités. Le gouvernement haïtien ne définit aucune politique de réglementation des niveaux de stock de riz. Les agriculteurs stockent généralement leurs récoltes durant trois à quatre mois. Les agriculteurs gardent du riz pour la consommation familiale et le reste est vendu au fil du temps sur les marchés locaux, qui ne fonctionnent que 2 à 3 jours par semaine ».
« En Haïti, six sociétés privées importent du riz. Leur capacité de stockage est également limitée. Les entreprises privées qui ne sont pas directement impliquées dans l’importation de riz possèdent la plupart des installations de stockage. Les importateurs ont des moyens financiers limités et ne peuvent pas se permettre de détenir une grande quantité de riz durant une longue période en raison du prix élevé pratiqué par les sociétés de stockage. Les importateurs achètent le riz en quantité limitée pour satisfaire la demande intérieure pendant un ou deux mois et ont un roulement rapide ».
Par ailleurs, le marché local dépend fortement des importations. Pour la campagne de commercialisation 2019/20, annonce l’USDA, les importations de riz devraient globalement diminuer pour atteindre 485 000 TM avant d’enregistrer en 2020/21 une augmentation de 495 000 TM, en réponse à l’augmentation de la demande intérieure.
« Cette augmentation de la demande intérieure est due à la croissance démographique, estimée à moins de 2%. La production de riz en Haïti ne devrait pas croître suffisamment pour répondre à l’augmentation de la demande intérieure », fait remarquer le rapport, notant que les importations de riz pour le premier semestre de la campagne 2019/20 ont atteint 240 000 TM, soit une baisse de moins d’un pour cent par rapport à la même période de la campagne 2018/19.
Le riz en Haïti.