Terre des hommes. Le sol sacrifié

(actualisé le ) par christian

Aucun élément n’existe sur la terre indépendamment du reste de la nature : ni les océans, ni les cours d’eau, ni les glaces de pôles, ni les montagnes, ni les plaines, ni l’air. Tout s’enchevêtre dans une interdépendance fabuleusement organisée pour abriter la vie.

Mais, dit Laurent de Bartillat « Cette fabuleuse alchimie vitale , sujet de fascination et de culte pour les civilisations qui nous ont précédés, a laissé la place, en à peine 50 ans, à la vision froide d’une terre dévouée à produire plus, vite et moins cher. Cette vision dont le fer de lance a été la chimisation de l’agriculture, a abouti à considérer la terre comme une matière morte, une machine dont on pouvait accroître les rendements, précipiter les récoltes et accroître les prélèvements à l’infini. Le résultat de 40 ans de viol de la terre est une catastrophe écologique. »

La terre est vivante : une multitude d’organismes vivants habitent, digèrent, transforment en humus le mélange de matières organiques, d’air et d’eau qui la composent.

L’agriculture industrielle. Productivité à tout prix.

Agrandissement des surfaces. Mécanisation. Apports d’engrais. Usage intensif des pesticides. Destruction des paysages. Les monocultures industrielles sont instables et vulnérables et elles dégradent les sols et détruisent la biodiversité.

Appauvrissement des sols

Les plantes ne puisent plus les nutriments dans la terre, ces grandes surfaces nues vouées à la monoculture intensive, pour assurer leur croissance . Elles absorbent les quantités de plus en plus importantes d’engrais chimiques qu’on déverse, et qui ont un coût exorbitant ( en argent et en pollution à la fabrication comme à l’utilisation) , sans retenir l’eau. La terre, épuisée, devient très vite un support stérile, à terme irrémédiablement pollué, dégradé, érodé. La monoculture sur des milliers d’hectares ( USA, Canada, Russie…) d’une même plante a pour effet d’épuiser complètement les sol en nutriments absorbés par cette plante.

Un savoir ancestral, respectueux de la terre, qui la laissait reposer, alternait les cultures pour qu’elle retrouve ses forces, c’est à dire ses nutriments, tenait compte du milieu, du climat, s’est perdu. Les plantes ne s’enfoncent plus dans le sol et deviennent de plus en plus vulnérables aux sécheresses.

Citons Laurent de Bartillat ( Stop » P. 294-295)

« Depuis 1945, le concept de la productivité à tout prix adapté à la culture des sols a créé des ravages comme jamais on n’en avait enregistré jusqu’alors. 540 millions d’hectares de terres , l’équivalent de 38% des la surface cultivée actuellement sur la planète, ont été dégradés par des pratiques agricoles non viables et ont dû être abandonnés. Les USA, principaux utilisateurs d’engrais et de pesticides dans le monde, ont perdu 1/3 de leur couche arable traditionnelle, et une grande partie de la surface restante est sévèrement dégradée. Dans l’ex Union Soviétique, 80% de la terre agricole est affectée par l’érosion du sol. En Afrique, ce sont 65% des terres cultivables qui sont touchées par l’érosion. En Chine, l’érosion a détruit une surface de terres cultivables égale à celle du Danemark, de l’Allemagne, de la France et des Pays Bas réunis.

Au plan mondial, la dégradation des sols a contribué à une chute de 30% de la superficie par habitant des terres consacrées à la culture des céréales… »

Les sols deviennent des supports vides que l’on gave de chimie, comme les citoyens deviennent des consommateurs en qui l’on créer des besoins, pour mieux les gaver.

Pesticides. Herbicides. Déchets.

Leur usage, en plus d’empoisonner les sols, détruit les organismes ( bactéries, lombrics…) qui favorisent la régénérescence des sols en fabriquant l’humus. Les mots ne sont pas innocents : l’adjectif « humble » est un emprunt au latin Humilis, qui veut dire près de la terre, et qui est devenu au sens figuré « modeste ». Les hommes, face à le terre, et à la nature en général, manquent singulièrement d’humilité.

De nombreuses plantes dites « mauvaises » sont utiles pour la conservation des sols, les abeilles, la biodiversité…L’extinction d’une espèce, végétale ou animale entraîne toujours des extinctions en chaîne qui menacent les écosystèmes vitaux.

En plus d’empoisonner notre nourriture quotidienne, cette pratique amoindrit la teneur en minéraux de nos aliments provenant de l’agriculture. L’efficacité des doses de plus en plus importantes de pesticides n’est pas prouvée : à l’échelle mondiale, au cours des 40 dernières années, la quantité de cultures perdue uniquement à cause des insectes a presque doublé, malgré la multiplication par 10 des doses de pesticides déversés sur les cultures.

Cependant, plus les agriculteurs produisent, plus ils obtiennent de subventions. Plus les exploitations sont grosses, et industrialisées, plus elles sont subventionnées. (80% des aides à l’agriculture vont en Europe à 20% des paysans) Les agriculteurs sont donc très clairement incités à l’agriculture intensive industrialisée. L’immense majorité des agriculteurs ne sont plus libres. Ils sont ligotés par leur endettement et le lobbying des firmes fabriquant les engrais et pesticides chimiques qui représentent des milliards de dollars de profits.(350 milliards de dollars de subventions sont alloués chaque année à l’agriculture des pays industrialisés du Nord.. (Le nouveau programme américain prévoit une augmentation de 80% de ces subventions d’ici 2012). On a vu comment ces subventions étaient un frein au développement des pays du Sud.

Déchets.

Les déchets des millions de décharges de la terre polluent les sols. Ces déchets proviennent de l’industrie, de l’agriculture et des ménages. Depuis de nombreuses années, et cela continue, des industries se sont débarrassées de leur déchets sur site. Des milliers d’hectares de sols pollué doivent être dépollués quand ces usines ont déménagé. Les fuites de pétrole, à l’extraction et lors des transports par pipe line, polluent les sols et les eaux. ( En Ex Urss, près de 50 millions de tonnes de pétrole issu de fuites pollue le sol chaque année ( l’équivalent de 174 fois la plus grosse marée noire connue). En Amazonie, sur des centaines d’hectares de forêt primaire, l’eau qui recouvre en permanence le sol est très souvent recouverte d’huiles venues de la recherche pétrolifère…

Transformation des paysages.

Nombreuses sont les catastrophes vécues et à venir dont l’origine est la transformation des paysages de la terre. Dans les pays aux climats violents , tropicaux en particulier, ces pratiques ( destruction des haies, des arbres…) favorisent l’érosion brutale des sols, le ruissellement, les glissements de terrain, l’action du vent.

Partout le béton et le goudron gagnent sur les sol. Villes, parkings, routes, autoroutes, supermarchés…( Aux USA, le complexe routes autoroutes parking a une superficie de plus du quart de la France. Ces grandes étendues vides favorisent un ruissellement rapide, d’eau polluée, qui provoque les inondations, d’autant que les sols, tassés par les machines utilisées et devenus plus compact ont de plus en plus de mal à absorber les eaux de pluies, non retenues par les arbres ou les haies. Mais ces eaux charrient des tonnes de poisons divers dans les lacs et les rivières en les empoisonnant (faune et flore aquatique).

Le bétonnage des rives des fleuves accélère la vitesse de l’eau et ne lui permet plus de s’infiltrer. De nombreuses inondation sont directement liées à ce bétonnage.

Les engrais et les pesticides dégradent la biomasse du sol, ( bactéries, moisissures) Du carbone se libère dans l’air pour contribuer à l’effet de serre. ( 20% du total des émissions dues aux autres activités humaines.) L’élevage intensif, surpâturage, détruit la végétation, tasse les sols et contribue par les émissions de méthane des animaux élevés industriellement, au réchauffement de la planète.

Les sels minéraux apportés sur les sols par l’irrigation intensive ( provenant des cours d’eau, des nappes souterraines ou des lacs) , qui s’accumulent dans les sols quand l’eau s’évapore, les stérilisent. 20% des terres irriguées du monde sont dégradées par cette salinisation.

Gaspillage.

« Une étude récente faite par le département de l’agriculture aux USA, estime que 45,3 millions de tonnes de nourriture destinée à la consommation, sur les 161,5 millions de tonnes produites sont perdues entre les lieux de production d’origine et les consommateurs. » Même source P. 297.

Terres cultivables. La peau de chagrin.

La population du globe augmente. Nous serons vraisemblablement 7,5 milliards sur terre dans 15 ans. .. 9 milliards dans 40 ans. Avec le développement (espéré) des pays pauvres en ce qui concerne la qualité de la nourriture, la demande de nourriture ( viande céréales ) sera multipliée par 2 en 2050. La destruction des sols et le rétrécissement des surfaces cultivables exclut totalement la possibilité de nourrir la planète si l’on persiste dans cette politique mondiale, d’autant que l’agriculture et l’élevage industriels voient leurs rendements stagner…et qu’elle multiplie les destructions. (D’ici 2020 [ Stop P. 300], la superficie perdue en terres cultivables sera celle des terres actuellement cultivées au Canada.)

Mais une fois de plus, ce sont les pays pauvres qui subiront les plus dramatiques conséquences de ce phénomène. L’exemple d’Haïti se retrouve dans de nombreux pays : 8 millions d’habitants sur 25000 km² de terres dont une grande partie a été rendue inutilisable par l’érosion et la pollution depuis des siècles. Le colonisation et les grandes monocultures destinées à approvisionner le Nord ont contribué à cette destruction du paysage….qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?

Dettes et pratiques agricoles.

On sait que ces pays pauvres ont des dettes énormes. Pour rembourser les intérêts de ces dettes, il faut faire entrer dans ces pays des devises. La Banque mondiale les contraint ainsi, entre autres, à se tourner vers des pratiques industrielles dans le domaine de l’agriculture. Il leur faut cultiver ce qui s’exporte, en grande quantité, pour satisfaire le besoin effréné des consommateurs du Nord. Avec des prix soumis à ceux du marché…et à la spéculation, sans subventions le plus souvent. Pris à la gorge, pour survivre, comment se préoccuperait-ils de l’environnement ? Les petits perdent leurs terres ou sont rejetés vers les terres les plus pauvres. Les agriculteurs pratiquant une agriculture durable ne peuvent survivre face aux prédateurs, souvent relayés par les entreprises multinationales et les gouvernement corrompus et aux afflux de surplus à bas prix des pays riches. Les agricultures traditionnelles, qui nourrissaient les populations et sauvegardaient les richesses des sols, sont en train de disparaître à une vitesse effrayante dans le monde entier. Les terribles inégalités dans la répartition des terres accentue la misère. (Brésil : 60% des terres appartiennent à 3% des propriétaires. 120 millions d’hectares de ces terres ne sont pas cultivées. Des centaines de milliers de petits paysans sont des « Sans terre »)