Des nouvelles tirées d’articles du Nouvelliste.
Assassinats, tirs sporadiques, enlèvement et quartiers assiégés
Une vive panique a régné jeudi 23 Mars 2023 dans l’après-midi au centre ville de Port-au-Prince. Des détonations d’armes automatiques ont été entendues au niveau de la place du Champ de Mars, non loin du Palais national, au Bel-Air, à Lalue et à Turgeau. Cette situation a provoqué un branle-bas où piétons, automobilistes, motocyclistes, marchands ambulants, gagne-petits, élèves, fonctionnaires publics comme employés du secteur privé couraient dans toutes les directions.
Des témoins ont rapporté au Nouvelliste qu’une tentative d’enlèvement a été déjouée par les forces de l’ordre au niveau de Poste Marchand. Au moins un présumé bandit a été tué par les agents. Deux armes à feu et un véhicule ont été saisis.
A Delmas en début de soirée, le rappeur du groupe Rockfam, Stevenson Telfort dit Atròs, a été blessé par balles non loin de sa résidence. Un ami qui venait à peine d’arriver auprès de lui a été tué. Selon une source proche de l’artiste, la victime a reçu au moins 4 projectiles. « Il reçoit des soins dans un centre hospitalier. Il se rétablit », a indiqué cette source.
Ce drame vient s’ajouter à une interminable liste d’assassinats, de tentatives d’assassinat ou d’enlèvements, non médiatisés, survenus un peu partout dans la région métropolitaine, ces dernières heures.
A La Vallée, non loin de Laboule 12, le journal a appris que plusieurs membres d’une même famille ont été kidnappés, jeudi en milieu de journée. « Ils se préparaient à déménager. Les bandits sont entrés dans la maison pour commettre leurs forfaits », a confié une source au Nouvelliste, notant que depuis décembre, c’est la première fois que les malfrats pénètrent les maisons dans la zone.
Ce riverain a également souligné au journal que les habitants de cette localité, qui regroupe une quarantaine de maisons, sont assiégés par les bandits depuis 4 jours. « Ils ont envahi les rues. Ils tirent dans tous les sens. On ne peut pas sortir ni envisager de partir. Nous sommes dans l’angoisse. La police n’a fait aucune intervention pour les chasser. Les interventions des forces de l’ordre se limitent sur la route principale de Laboule. Il faudrait qu’elles pénètrent à l’intérieur », a souhaité ce riverain.
70 morts dans des affrontements armés, depuis fin février au Bel Air, selon le RNDDH
Le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) indique que le bilan partiel du massacre, enregistré du 27 février au 20 mars, à la suite d’affrontements armés de gangs rivaux au Bel Air (quartier qui surplombe le Champ de Mars, au nord-est de Port-au-Prince), s’élève à environ 70 morts. Plus d’une cinquantaine de personnes sont également portées disparues, sans compter des victimes de viols, ajoute le Réseau. Les bandits ont aussi mis le feu dans les maisons et aux affaires des habitants, qui ont dû s’enfuir. Lors de ces attaques meurtrières, les plus vulnérables sont les femmes, les enfants, les personnes âgées, ainsi que celles et ceux qui ont des difficultés à se déplacer. La population de Bel Air et d’autres quartiers avoisinants, victimes de ces affrontements, lancent un S.O.S aux autorités étatiques. Privées d’abris et de nourriture, beaucoup de victimes racontent avoir perdu leurs enfants, leurs maisons et tout ce qu’elles possédaient. La guerre qui a éclaté depuis le 27 février au Bel Air, entre des bandits du G9 avec à leur tête l’ancien policier Jimmy Cherisier, alias Barbecue, sous sanctions internationales depuis le 21 octobre 2022, et Kempès, un chef de gang spécialisé dans les enlèvements, perdure jusqu’à aujourd’hui. « Cette insécurité est une insécurité d’État. C’est une forme de gouvernance. C’est une volonté manifeste de l’État pour détourner l’attention de la population », interprète le Réseau national de défense des droits humains, estimant qu’il revient à la population de renverser la situation. Malgré les promesses sans cesse renouvelées des autorités, le climat de terreur, entretenu en toute impunité par les gangs armés, prend, ces derniers temps, des proportions de plus en plus dramatiques, notamment dans Port-au-Prince. Au moins 10 personnes ont été tuées et leurs corps incendiés, ce 20 mars, dans la localité de Kagwo (Pétionville). La tuerie s’est produite tôt dans la matinée du 20 mars, alors que des tirs nourris d’armes automatiques étaient entendus dans tout le périmètre. Parmi les victimes figurent 5 passagers d’une camionnette incendiée, probablement « des travailleurs qui sortaient tôt pour aller chercher de quoi vivre. Quatre ou cinq autres cadavres étaient étendus au sol, attirant une nuée de mouches ». Depuis plusieurs semaines, les gangs maintiennent une implacable offensive contre la population de plusieurs quartiers, notamment du centre et de l’est de la capitale, et continuent de tuer, de violer et d’allumer des incendies, de piller et de semer la terreur partout sur leur passage. De Fort-Jacques à Pernier, en passant par Soisson, Duplan, Thomassin, Laboule, Marlique, Bois Moquette, Meyotte, Girardeau, Diègue, Corlette, Frères, Torcelle et leurs environs, selon divers témoignages. La présence de la police est quasi symbolique. Les activités sont considérablement ralenties et les rues sont désertes. Face à l’inaction des autorités, les habitants de plusieurs quartiers ont établi des « brigades de vigilance » pour essayer de contenir l’assaut des gangs. Le 18 mars, le chef du service, affecté à la direction de la caisse et du réseau de la Banque de la république d’Haïti, Eric Casséus, a rendu l’âme après avoir été atteint d’une balle à la tête lors d’une tentative d’enlèvement. Le 17 mars, Lebrun Saint-Hubert, PDG de la Radio communauté haïtienne (RCH 2000 ), a été kidnappé à Delmas 35. Beaucoup de voix dénoncent des connections avérées entre l’appareil d’État et les gangs, qui continuent d’être alimentés en armes et munitions.
Un Haïtien sur deux peine à se nourrir, s’alarme l’ONU
Près de la moitié de la population haïtienne, soit 4,9 millions de personnes, peinent à se nourrir, a mis en garde jeudi le Programme alimentaire mondial (PAM), soulignant que ce chiffre a triplé par rapport à 2016.
Près de la moitié de la population haïtienne, soit 4,9 millions de personnes, peinent à se nourrir, a mis en garde jeudi le Programme alimentaire mondial (PAM), soulignant que ce chiffre a triplé par rapport à 2016.
"Nous ne pouvons pas attendre pour intervenir que l’ampleur de ce problème se traduise par des morts, car c’est ce qui va se passer", a affirmé le directeur du PAM pour Haïti, Jean-Martin Bauer, cité dans un communiqué de cette agence de l’ONU basée à Rome.
L’inflation galopante rend impossible l’achat des produits alimentaires de base pour des millions d’Haïtiens, alors que selon la Banque mondiale Haïti fait partie des dix pays les plus affectés par l’inflation des prix alimentaires.
La situation est aggravée par la présence de gangs aussi bien dans les zones urbaines que dans les compagnes, qui empêchent les habitants, en particulier les femmes, de circuler et d’avoir accès aux services de base.
Environ 530 personnes ont été tuées et près de 280 enlevées depuis janvier
par les gangs qui sévissent impunément en Haïti, a indiqué mardi l’ONU, qui a demandé le déploiement d’une force d’appui spécialisée.
Ces violences poussent les habitants à fuir leur domicile. L’ONU estime qu’à la mi-mars, au moins 160.000 personnes étaient ainsi déplacées à l’intérieur du pays et se trouvaient dans une situation précaire.
Un quart des personnes déplacées vivent dans des campements de fortune, avec un accès très limité aux services de base tels que l’eau potable et l’assainissement.
La famine impacte particulièrement les enfants, qui deviennent plus vulnérables aux maladies comme le choléra.
Pour affronter cette situation de crise, le PAM a besoin de 125 millions de dollars sur les six prochains mois. "Nous avons désespérément besoin d’une augmentation des financements et d’une mobilisation des volontés politiques. Le monde ne peut attendre une grande catastrophe avant d’intervenir", a insisté M. Bauer.
Des Casques bleus pour Haïti, la nouvelle piste étudiée par les USA
L’administration Biden, après avoir échoué à trouver un pays, le Canada en l’occurrence, pour prendre la direction d’une force d’intervention militaire multilatérale en Haïti, soutiendraient l’envoi d’une mission de la paix, a rapporté le Miami Herald, vendredi 24 mars 2023.
Selon un haut responsable de l’administration américaine cité par le journal : "Ce que nous faisons avec le Canada, c’est d’examiner ce qui est vraiment nécessaire sur le terrain, ce qu’il faudrait, vraiment, combien d’autres pays potentiellement, quel type de mandat, que ce soit un chapitre 7, ou si c’est quelque chose que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait vraiment débattre".
Le chapitre 7 de la charte de l’ONU autorise le recours à la force pour l’imposition de la paix. Un porte-parole du département d’État a déclaré jeudi au Miami Herald que les États-Unis continuaient à "travailler avec leurs partenaires internationaux pour développer le cadre d’une force multinationale dirigée par la police afin d’aider la police nationale haïtienne".
Cependant, a souligné le Miami Herald, trois sources familières avec ces efforts ont déclaré que l’administration avait discrètement changé d’orientation ces derniers jours en faveur d’une mission de maintien de la paix.
En octobre 2022, alors que Jimmy Chérizier « Barbecue » avait pris en otage le terminal de Varreux, renforçant la pénurie d’essence sur fond de résurgence du choléra, le Premier ministre Ariel Henry avait sollicité l’envoi d’une force militaire spécialisée pour aider la PNH.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a soutenu cet appel, évoquant une "détérioration dramatique de la sécurité" qui a "paralysé le pays" et proposant des options pour une force multilatérale qui aurait été autorisée par le Conseil de sécurité à intervenir en Haïti à la fois à court, moyen et long terme.
Selon la proposition de M. Guterres, l’intervention de la force aurait été un accord direct entre le gouvernement haïtien et d’autres pays ayant la capacité de passer à l’offensive contre les gangs. En revanche, une mission de maintien de la paix s’appuierait sur une liste de pays fournisseurs de troupes sous la supervision directe de l’ONU.
Néanmoins, les deux types de missions requièrent généralement l’autorisation du Conseil de sécurité en vertu du chapitre 7. Il n’est pas certain que la proposition de force des États-Unis ait jamais obtenu l’approbation du Conseil de sécurité — qui a besoin des votes de la Russie et de la Chine — et il n’est pas certain non plus qu’une mission de maintien de la paix soit approuvée.
La question d’une force extérieure a trouvé un soutien en Haïti, un récent sondage ayant révélé que près de 70 % des Haïtiens pensent que la police nationale d’Haïti n’est pas en mesure de vaincre les gangs à elle seule et qu’elle a besoin d’une aide militaire.
La dernière mission de maintien de la paix en Haïti (Minustah) a laissé de mauvais souvenirs à la population comme l’introduction du choléra, des viols.
Le gouvernement Henry, via son ministre des Affaires étrangères, interrogé par Le Nouvelliste, Jean Victor Généus a constaté que « la demande d’assistance auprès de l’ONU peine à se matérialiser. Les rivalités et contradictions entre les puissances de la planète ont atteint une dimension plus inquiétante et Haïti en fait les frais. Actuellement notre hémisphère est l’enjeu d’une grande rivalité et nous ne devons pas ignorer cette réalité.A l’ONU, notre pays continue de bénéficier d’une grande sympathie et d’une solidarité agissante. Nous en sommes très reconnaissants en dépit des obstacles et des difficultés », a-t-il dit.
Le gouvernement haïtien serait-il favorable à un retour sous le chapitre 7 de l’ONU ?
« Nous devons tirer des enseignements positifs des expériences passées. Le chapitre 7 impose une multitude de contraintes. Tout d’abord, il s’agirait d’une mission de maintien alors que la conjoncture exige une mission offensive pour mettre fin aux actions des bandits armés. Haïti ne pourrait pas faire entendre sa voix dans la définition des termes de référence et des règles d’engagement. Les rapports avec les autorités locales seraient définis par le conseil de sécurité. Point besoin de rappeler d’autres souvenirs amers. Le gouvernement haïtien a fait appel à un appui robuste en faveur de la PNH. Les citoyens de bonne foi ont compris le sens de cette démarche », a confié Jean Victor Généus qui a aussi évoqué les difficultés à l’acquisition d’équipements pour les forces de sécurité.
« Le gouvernement haïtien est en quête de marchés et d’assistance technique pour les nouveaux équipements destinés à renforcer la capacité opérationnelle des forces haïtiennes de sécurité. L’argent est le nerf de la guerre et le gouvernement n’en dispose pas à profusion. Certains pays disposant d’équipements doivent tenir compte de restrictions liées à la réexportation. D’autres font montre d’une insensibilité inexplicable face au calvaire et au drame du peuple haïtiens. Le gouvernement est pleinement conscient de ses responsabilités et continue à frapper à toutes les portes. Le peuple haïtiens souffre beaucoup et mérite la paix et la tranquillité. Plusieurs missions ont été dépêchées pour mesurer l’ampleur de la situation. L’heure est à l’action », a répondu Jean Victor Généus.