Les massacres continuent.

(actualisé le ) par Gérard

Notre maison de Meyotte a dû être évacuée d’urgence sous les balles. Nous ne savons si, ou quand Jérémie, notre correspondant, pourra y retourner, si elle n’est pas pillée ou incendiée par les gangs...

Ce ne sont plus des événements sanglants, c’est tout simplement une situation de guerre. Communiqué de l’OCHA.
Même dans des quartiers isolés et relativement épargnés comme Meyotte, les habitants fuient sous les balles pour la plupart, pour ne plus revenir chez eux.
Notre correspondant en Haïti, Jérémie, a dû quitter la maison Enfants-Soleil comme beaucoup d’autre habitants, avec son épouse et son enfant : les gangs tuent la population et pillent et brûlent les maisons. Personne n’est désormais à l’abri des gangs qui s’entretuent et tirent sur les civils.
Notre espoir que cela se calme est de plus en plus vain. En quatre jours, soixante-dix personnes, dont beaucoup de membres de la population civile, ont été tués, seulement à Cité Soleil. Les balles traversent les maison construites de matériaux précaires. Jusqu’au 13 avril, l’école était ouverte à Cité Soleil, nous ne savons pas si elle l’est encore. Comment les enfants oeuveny-ils traverser la cité sous les balles ? Les familles se terrent chez elles, sans aucune sécurité pour leur vie. Aucun quartier de la capitale n’échappe aux massacres.
Toute la vie sociale est arrêtée par ces violences permanentes. Les corps des victimes sont brûlées par les assaillants, ou démembrés, ou tout simplement restent des jours dans les rues.
Cette situation est désespérante. Qui pourrait intervenir ? Qui prendrait le risque de mettre un pied dans ce bourbier sanglant ? Ni les forces de l’ordre, ni la justice ne peuvent faire leur travail. Une bonne partie de la classe politique et des forces de l’ordre sont de connivence avec certains gangs.
Parfois, la population exaspérée se fait justice elle-même ? Mais les présumés coupables sont-ils coupables ? Les massacres s’ajoutent aux massacres.

Plus de 70 morts à Cité Soleil entre le 14 et le 19 avril 2023, selon l’OCHA
« Entre le 14 et le 19 avril 2023, des affrontements entre gangs rivaux ont entraîné la mort de près de 70 personnes parmi la population. Une quarantaine de personnes ont été blessées par balles ou par armes blanches. Parmi ces victimes, on dénombre 18 femmes tuées et 12 blessées », a écrit le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA, en anglais) dans un communiqué paru le dimanche 23 avril. Selon l’OCHA, « ces affrontements privent également la population de leur liberté de mouvement et de leur accès aux biens et services essentiels, et ont entraîné la fermeture de nombreuses écoles et centres de santé dans la zone ».
24 avril 2023
Des tirs nourris dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince
Des crépitements d’armes automatiques sont entendus très tôt ce lundi à Port-au-Prince, notamment à Turgeau, Debussy, Pacot et Canapé-Vert. Aux abois, les habitants de ces zones lancent un appel à l’aide à la police. Par ailleurs, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent une dizaine d’individus présentés comme des membres de gangs capturés puis brûlés par des riverains devant le sous-commissariat de Canapé-Vert. Ces individus étaient à bord d’un minibus et seraient en possession d’armes et de munitions.
Evidemment, comme toujours, il est facile d’accuser "les blancs...les étrangers " de tous les maux. Comme le fait un ancien premier ministre.
Les étrangers sont les vrais protagonistes de la crise, selon l’ancien Premier ministre Evans Paul (article du "Nouvelliste"
Le dialogue est la rengaine de l’actuel gouvernement, des membres de l’opposition et de certains acteurs de la société civile, qui tous le propose comme solution ou piste de solution à la crise qui perdure dans le pays.
Le dialogue est la rengaine de l’actuel gouvernement, des membres de l’opposition et de certains acteurs de la société civile, qui tous le propose comme solution ou piste de solution à la crise qui perdure dans le pays. Pourtant, l’ex premier ministre Evans Paul juge que les acteurs sont incapables de d’organiser ce dialogue.
« Si on se vante d’avoir trouvé un accord , il faut que cet accord puisse résoudre un problème. Qu’il soit l’accord du 21 décembre ou n’importe quel autre accord conclu, s’il ne peut résoudre les problèmes fondamentaux de l’insécurité ,c’est comme si on en avait aucun parce qu’il faut que l’accord concerne la population. Si l’accord ne peut pas résoudre les problèmes politiques, ses signataires ne vous prennent pas au sérieux », a détaillé l’ancien premier ministre Evans Paul durant sa participation à l’émission Panel Magik, jeudi 20 avril.
« Ce qui se passe aujourd’hui est que les véritables protagonistes de la crise sont les étrangers. Ce sont eux qui décident parce que pour qu’un accord ait de la valeur ils doivent le reconnaître. Ce ne sont pas des accords entre Haïtiens », estime M. Paul qui indique que les instigateurs des accords veulent toujours avoir l’adhésion des "Blancs".
« Les étrangers décident de tout et ils ne sont responsables de rien. En parallèle, nous autres, nous ne faisons pas un minimum d’effort national pour transcender des problèmes afin de s’entendre sur l’essentiel. Défendre la vie des fils du pays, la vie et les biens de la population », s’est-il plaint.
Le premier ministre Evans Paul se dit gêné par l’absence d’un plan haïtien visant à résoudre l’insécurité qui sévit en Haïti. « Un plan d’action qui associerait le peuple haitien dans la lutte contre l’insécurité. Je préférerais qu’il y ait un mauvais plan au lieu d’en avoir aucun », a-t-il clamé.
Le leader politique comprend que l’Etat soit faible, qu’il n’a pas le support de l’international. Cependant, a-t-il rappelé, l’insécurité continue de ronger le pays, la demande d’aide militaire de l’État est pendante. « En même temps ils ne veulent pas qu’on s’organise ; nous avons un noyau d’armée qu’ils ont démobilisé ; ils ne veulent pas qu’elle reprenne pied, qu’elle ait des moyens pour fonctionner. On nous met des bâtons dans les roues et nous ne prenons aucune décision pour nous même. Nous ne pouvons pas décider de notre sort parce que l’on s’entredéchire », a constaté M. Paul.
À la place d’Ariel Henry, le leader du KID privilégierait une connexion avec la population pour résoudre la crise du pays. « On sent qu’il y a un manque de connexion, d’informations, d’implication, de ralliement de consigne vers la population. Si le gouvernement a des difficultés, qu’il expose ses problèmes, ses objectifs à la population et explique les contraintes rencontrées sur le plan international, l’assistance qu’il aimerait avoir. Il y a une opacité sur le plan international, il y en a aussi sur le plan national. Il n’y a pas de connexion entre ce qui existe comme gouvernement et le reste du pays », a critiqué Evans Paul.

Violence armée : Médecins sans frontières ferme temporairement l’hôpital de Cité Soleil Le Nouvelliste.
Après la fermeture forcée de l’hôpital Albert Schweitzer, dans la ville de Deschapelles, dans la région de l’Artibonite, en février dernier, Médecins Sans Frontières annonce, le mercredi 8 mars 2023, la fermeture temporaire de l’hôpital de Cité Soleil, pris sous le feu des balles.
Par Jean Junior Celestin
Dans un contexte où les violences armées se propagent de façon très préoccupante depuis le mardi 28 février dans plusieurs quartiers de la capitale haïtienne, dont Solino, Bel-Air, bas Delmas, entre autres, avec les populations prises sous les tirs croisés et qui n’ont d’autre choix que de fuir leurs maisons, Médecins sans frontières a annoncé, le mercredi 8 mars 2023, avoir fermé temporairement l’hôpital de Cité Soleil.
Suite aux affrontements armés entre gangs rivaux, qui se poursuivent de façon continue à quelques mètres de l’enceinte de l’hôpital de MSF, l’ONG se dit dans l’incapacité de garantir la sécurité de son personnel et de ses patients.
« Nous vivons des scènes de guerre à quelques mètres de notre établissement. Notre hôpital n’a pas été ciblé directement, mais nous sommes une victime collatérale des combats depuis que l’hôpital s’est retrouvé sur la ligne de front. Plusieurs balles perdues ont été retrouvées à l’intérieur de l’hôpital, et l’accès est devenu quasi impossible pour les patients dont certains ont été blessés dans la zone des affrontements aux abords de l’enceinte », a fait savoir Vincent Harris, référent médical de MSF.
« Nous sommes conscients que la fermeture de cet hôpital va nuire gravement aux habitants de Cité Soleil, mais nos équipes ne peuvent pas travailler tant que les conditions de sécurité ne sont pas garanties », a-t-il précisé.
À une dizaine de kilomètres de Cité Soleil, au centre-ville de Port-au-Prince, le bilan s’alourdit dans le centre d’urgence de Médecins sans frontières à Turgeau, a alerté MSF. « Nos équipes reçoivent chaque jour jusqu’à dix fois plus de blessés par balle en moyenne. Depuis que les combats ont une nouvelle fois repris à Bel-Air, le mardi 28 février, nous avons reçu de nombreux enfants, femmes et personnes âgées. C’est terrible de voir le nombre de victimes collatérales de ces affrontements », s’indigne le responsable des activités médicales, le Dr Freddy Samson.
« ll est difficile de préciser le nombre de blessés, ailleurs, dans la ville, car certains sont terrorisés et préfèrent ne pas sortir de leur quartier », a-t-il ajouté dans la note.
Les équipes de Médecins sans frontières, présentes en Haïti depuis plus de 30 ans, appellent à la cessation des hostilités à la porte de leur hôpital et au respect de la mission médicale qui l’abrite afin de pouvoir reprendre leurs activités dans le plus bref délai et continuer de fournir les soins de santé à la population de Cité Soleil. « L’organisation s’alarme de la dégradation vertigineuse de la situation sécuritaire dans l’ensemble de la capitale haïtienne et de la précarité croissante qu’elle entraîne, alors que les populations font face à des besoins humanitaires et sanitaires de plus en plus importants », se désole l’organisation.
Malgré la fermeture temporaire de l’hôpital et la dégradation du climat sécuritaire, les équipes de Médecins sans frontières ont réitéré leur engagement envers l’ensemble de la population haïtienne, première victime des violences qui déchirent le pays depuis des années, promis de faire leur possible pour continuer de prodiguer des soins de qualité.
En 2022, les équipes de Médecins sans frontières en collaboration avec le ministère de la Santé, ont mené plus de 4 600 interventions chirurgicales, donné 34 200 consultations d’urgence, pris en charge 2 600 blessés par balle, 370 brûlés, et effectué 17 800 consultations en clinique mobile, pris en charges 2 300 victimes de violence sexuelle et effectué 700 accouchements.
L’insécurité à Port-au-Prince digne d’un « conflit armé », s’alarme l’ONU
L’insécurité dans la capitale haïtienne atteint des niveaux "comparables à ceux des pays en situation de guerre", s’est alarmé l’ONU dans un rapport publié lundi qui souligne une hausse importante des homicides et des enlèvements dans le pays.

Le Nouvelliste
24 avril 2023

L’insécurité dans la capitale haïtienne atteint des niveaux "comparables à ceux des pays en situation de guerre", s’est alarmé l’ONU dans un rapport publié lundi qui souligne une hausse importante des homicides et des enlèvements dans le pays.
"Le peuple haïtien reste en proie à l’une des pires crises des droits humains depuis des décennies et à une situation d’urgence humanitaire majeure", décrit le rapport du secrétaire général Antonio Guterres.
"Du fait du nombre élevé de morts et de la superficie croissante des zones contrôlées par les bandes armées, l’insécurité dans la capitale a atteint des niveaux comparables à ceux des pays en situation de conflit armé", ajoute-t-il.
Entre le 1er janvier et le 31 mars, le nombre d’homicides signalés a augmenté dans le pays de 21% par rapport au précédent trimestre (815 contre 673), et le nombre d’enlèvements de 63% (637 contre 391).
Les bandes armées "continuent de se disputer le contrôle du territoire dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, et s’étendent à des quartiers jusqu’alors épargnés", note également le rapport, décrivant des affrontements "plus violents et plus fréquents" entre gangs, et entre police et gangs.
Résultat, "la situation des personnes vivant dans les zones contrôlées par les bandes armées reste tout à fait effroyable" et "dans les zones récemment prises pour cible par les bandes, la situation se dégrade radicalement".
Le rapport souligne notamment la situation catastrophique des habitants de Cité Soleil, dans la banlieue de la capitale, où des tireurs embusqués s’en prennent depuis les toits aux passants dans la rue.
"Les combats font rage à Cité Soleil", s’est d’ailleurs alarmée dimanche dans un communiqué la coordinatrice humanitaire de l’ONU pour Haïti Ulrika Richardson. "Les habitants se sentent assiégés. Ils ne peuvent plus sortir de chez eux par peur de la violence armée et de la terreur imposée par les gangs", a-t-elle ajouté.
Selon le communiqué, entre le 14 et le 19 avril, des affrontements entre gangs rivaux ont fait près de 70 morts dans la population, dont 18 femmes et au moins deux mineurs.
Dans ce contexte, le secrétaire général répète dans son rapport qu’"il faut de toute urgence déployer une force armée spécialisée internationale" notamment pour aider la police à rétablir l’ordre.
Antonio Guterres avait relayé en octobre un appel à l’aide du Premier ministre Ariel Henry, demandant au Conseil de sécurité d’envoyer cette force. Mais sans résultat depuis : si quelques pays ont indiqué être prêts à y participer, aucun ne semble vouloir en prendre la tête.