L’empire du sucre

par christian

Naissance de l’empire du sucre

En 1680, avec la croissance des indigoteries, il y avait dans l’île environ 2100 esclaves. Jusqu’au milieu du XVIIIième siècle, cette agro-industrie continuera à croître. Avec l’apparition de l’industrie sucrière, qui va se superposer à la première, et plus tard la dépasser, le commerce des produits, comme la population et l’horreur esclavagiste, vont progresser vertigineusement.

Restes d’une ancienne étuve à Saint-Domingue : Souvenir d’une époque en même temps florissante et tragique.

Un siècle de prospérité et d’esclavage

L’ " Habitation " est le centre de l’industrie de la canne, elle comprend le vaste domaine agricole, l’usine de transformation, les logements des maîtres et des esclaves. A partir de 1697 (traité de Ryswick) la partie occidentale de l’île va appartenir à la France. Depuis ces années jusqu’à la révolution Française, la monoculture de la canne et le commerce ne vont cesser de croître. Vers 1740, plus de 500 bateaux partaient chaque année de Cap Français (aujourd’hui Cap Haïtien) vers la métropole ou vers la Nouvelle-Angleterre qui se développera parallèlement. Pouvant importer tous les produits nécessaires, céréales, viande, huiles, fer, bois, animaux, depuis les Amériques ou depuis l’autre partie de l’île, les gros propriétaires abandonnèrent presque toutes les autres activités que la production sucrière.

Fortunes et mépris. Les grands ports français (Le Havre, mais surtout Nantes et Bordeaux) profitèrent de l’aubaine, et la riche bourgeoisie maritime s’enrichit du commerce avec les îles et du trafic d’esclaves. Parallèlement, la ruée vers l’or qui se développera au brésil enrayera la progression des cultures de canne, ce qui profitera à St Domingue. La société insulaire de l’époque devient très inégalitaire : d’un côté les riches propriétaires, de l’autre les milliers d’esclaves dont on verra les conditions de vie, entre les deux, les " petits blancs " qui n’ont pas les fonds pour investir, qui font les petits métiers autour des sucreries, et qui n’ont en commun avec les puissants que le racisme et le mépris des esclaves.

Ce reste d’aqueduc du XVIIIième montre l’ampleur des aménagements effectués dans l’île pour le développement de l’industrie sucrière.

Les esclaves
Développement des industries de l’indigot et du sucre

AnnéesSucreriesIndigoteriesPop. blancsPop. esclaves
1713 138 1182 5700 22000
1730 339 2750 11650 80000
1739 450 3350 11700 110000
1754 600 3380 15000 173000

Chiffres empruntés à Frotin (1975) " Révolte blanche à Saint Domingue ".

Ce tableau montre que l’importation des esclaves est proportionnelle au développement de l’industrie de l’indigot et du sucre. Le génocide suit la courbe de l’enrichissement. Il faut tenir compte du fait que le nombre d’esclaves présents sur l’île à un moment donné ne représente pas le nombre d’esclaves capturés en Afrique : une grande partie de ces pauvres gens mourait lors de la capture par les pourvoyeurs africains, d’autres succombaient durant le voyage, et d’autres encore, très nombreux, de maladies de mauvais traitements et d’épuisement sur le lieu de travail. (Les esclaves avaient une espérance de vie de 8 à 9 ans, dans les îles.)

Mutinerie à bord d’un bateau négrier Les mutineries n’étaient pas rares sur les bateaux négriers, mais elles échouaient presque toujours, et elles étaient réprimées dans le sang.

Les conditions de survie dans ces bateaux étaient effroyables et la moitié des esclaves périssaient parfois, on jetait alors leurs cadavres à la mer.
Les mauvais traitement, le mépris, les humiliations, les conditions de vie, créaient parmi ces populations une haine grandissante, qui un jour allait mener à la ruine le système et à la " liberté " les peuples asservis.

15 à 20 millions de déportés !

Cet histogramme rend compte du nombre d’esclaves dans les Amériques en 1790, mais ne fait pas état du total des enfants, femmes et hommes déportés durant trois siècles. Les historiens estiment l’ampleur de la déportation entre 15 millions et 21 millions de personnes.