L’eau de la terre. L’Or bleu

(actualisé le ) par christian

Source principale…« Stop. » Laurent de Bartillat Simon Retallack. P. 184 à 267. Seuil. Livre à lire absolument ! C’est un gros livre plein d’images belles ou terribles, d’explications à la portée de tous et de suggestions pour stopper les erreurs actuelles.

L’eau recouvre environ les trois quarts de la surface de la terre, mais pour 97% d’eau salée. La majeur partie des 3% d’eau douce sont les glaciers, les calottes glaciaires des pôles, et les nappes souterraines. 0,3% seulement de l’eau de la terre est utilisable par les hommes ( 65% des approvisionnements publics est puisé dans les réserves souterraines.) .

Les prélèvements actuels sont très supérieurs aux possibilités de reconstitution des ces stocks. A l’épuisement s’ajoute la pollution définitive d’une partie de ces réserves.

La préservation de l’eau est l’affaire de chacun d’entre nous. Mais l’affaire des citoyens est aussi de lutter contre la mainmise, sur l’eau, des marchands internationaux, contre le laxisme ou les complaisances, face aux lobbies, ou par électoralisme, des instances publiques responsables. Les investissements pour l’eau ne mettent nullement en cause les sacro-saints objectifs de croissance : de quelle croissance parlera-t-on dans quelques années, lorsque la catastrophe sera devenue irréparable ? L’eau, c’est la vie pour l’humanité, mais c’est aussi la mort pour des millions de gens, aujourd’hui déjà, dans les bidonvilles insalubres des grandes métropoles, et des anciens paradis terrestres devenus des enfers à cause de la stupidité ou la cupidité des hommes.

Quelques chiffres . Quelques exemples

¤ L’usage domestique (12%de la consommation totale) augmente avec la population et les habitudes de vie : un Européen consomme 12 fois plus d’eau qu’un habitant de l’Inde..

¤ Surconsommation pour l’agriculture (70%, mais les ¾ sont perdus en évaporation ou ruissellement),

¤ L’industrie (22%) (Une usine de fabrication de puces électroniques : 18.000.000 de litres d’eau / jour soit la consommation annuelle d’une ville de 60000 habitants . Aciérie : jusqu’à 300000 litres pour une tonne de métal fabriquée !)

Les moyens ( pompage dans les nappes profondes, les barrages, les détournements de fleuves ) ont des effets de plus en plus dramatiques. 40% des produits agricoles mondiaux viennent de terres irriguées.

Exemples : dans le nord Ouest de la Chine les pompages ont asséché 1/3 des puits. En Chine du nord on extrait chaque année 30 milliards de mètres cubes d’eau de plus que la nature ne peut en reconstituer…et la Chine est loin du mode de vie auquel elle aspire.

En Inde 20 millions de pompes (100000 en 1950). Dans l’état occidental de Gujurat 90% des puits sont à sec…et nous entrons dans une période de risque de grande sécheresse…

Aux USA, à cause de l’irrigation et des élevages industriels, on pompait dans la région du Texas au Dakota ( une des plus grandes nappes aquifères du monde, 12 milliards de m3 d’eau ) 20 fois ses capacités de régénération. En France, la culture du maïs est subventionnée par l’Europe : la France manque d’eau et les maïs est très gourmand. Cependant les subventions sont doublées pour le maïs irrigué ( 600 €/hectare au lieu de 300 € si le maïs ne l’est pas !) et l’eau est moins chère pour l’agriculture des régions où l’eau est plus rare !

Les réserves d’eau potable, au rythme où l’on y puise, seront épuisées en Floride en 2006.

La moitié des eaux des fleuves et rivières est détournée pour alimenter les industries ou l’agriculture. Bien souvent les fleuves n’atteignent plus la mer.(Colorado) ou les mers intérieures ( mer morte : baisse de 10 mètres au siècle dernier), lac Tchad : diminution des ¾…Le plus grand fleuve de Chine, le Fleuve Jaune se tarit plusieurs mois par an…La mer d’Aral, plus grande réserve d’eau douce du monde est aujourd’hui une catastrophe écologique…on a détourné durant des années l’eau des deux fleuves qui l’alimentent pour irriguer les champs de coton d’Ouzbékistan…)

Parfois, l’eau provenant des sources de surface ou des océans vient combler le vide des nappes qui deviennent irrémédiablement contaminées.

41% de la population mondiale vit déjà dans des pays de stress hydrique. Chaque année, désormais, 5 millions de personnes meurent à cause du manque d’eau. Le pompage de l’eau fait disparaître des rivières et des zones humides du monde entier, détruisant la faune et la flore dont elles sont une grande part des réserves.

Pollution

Dans le monde en développement, 95% de l’ensemble des eaux usées domestiques et 75% des eaux usées industrielles, sont rejetées dans la nature sans aucun traitement.

Dans ces pays, 120 millions de personnes tombent malades et beaucoup meurent à cause de l’eau. (Salmonelloses, dysenteries, fièvres typhoïdes, choléras, gastro-entérites, hépatites, giardose, cause de diarrhées…)

Dans les pays à élevage et agriculture intensifs, les épandages et déchets, les herbicides, pesticides (dont les USA et la France sont les plus gros consommateurs) sont les premiers facteurs polluants extrêmement nocifs pour la santé. (cancers). Les solvants chlorés utilisés dans de nombreuses activités industrielles se retrouvent dans l’eau et sont aussi du poison pour les organismes. Les métaux lourds ne valent pas mieux, ni les fluorures ou, pire encore, les matières radioactives…

Le gouvernement Bush a dans ce domaine proposé de supprimer carrément les fonds destinés à l’évaluation des impacts des déversements de produits chimiques dans les eaux.

Les déchets toxiques des centaines de milliers de décharges du monde produisent des poisons liquides qui, emportés par les eaux de pluie, s’écoulent vers les rivières puis arrivent à la mer, ou s’infiltrent dans le sol et vont polluer les nappes d’eaux souterraines. Les métaux lourds tels que le plomb, le cadmium, le mercure le chrome y sont présents et polluent pour des dizaines d’années, mais aussi de la dioxine et des composés de chrome…Une petite pile de montre pollue 1m3 de terre pendant 50 ans.

500 millions de tonnes de déchets toxiques sont déversées dans les décharges de la planète chaque année. 85% viennent des pays industrialisés.

Beaucoup de maladies ( cancers multiples entre autres) touchent les populations vivant à proximité des décharges, en Europe, aux USA mais plus encore dans les pays pauvres où de plus en plus d’affamés viennent y récupérer quelques métaux, divers ustensiles qu’ils peuvent revendre, ou de la nourriture pour survivre. Certains s’y sont installés à demeure dont des milliers d’enfants.

D’autre part, les pays industrialisés prennent de plus en plus l’habitude d’envoyer dans les pays pauvres leurs déchets toxiques ( pétroliers à la casse, matériel informatique très polluant, engrais ou pesticides périmés. Sous prétexte de recyclage avec une main d’œuvre bon marché. (80% des déchets électroniques américains finissent en Asie.

Les règles de libre échange instaurées sous le contrôle de l’OMC contribuent à faire augmenter ces exportations mortelles : après la mise en pratique des Accords de Libre Echange Nord Américain,(1994) les exportations de produits toxiques vers le Mexique ont plus que doublé.( Près de 250 millions de tonnes aujourd’hui.

Extrait de « Sto p » P. 322 « L’exemple de la municipalité mexicaine de Guadalcazar est exemplaire. : celle-ci refusa à une société américaine Métalclad Corporation, la possibilité d’ouvrir de nouvelles installations d’enfouissement de déchets toxiques sur un site ayant été antérieurement contaminé, explique L. de Bartillat, . Elle fut pour ce motif poursuivie en justice. Invoquant les réglementation de l’ALENA, […] La municipalité fut condamnée à verser 15,6 millions de dollars à l’entreprise américaine. »

Culture du profit, réglementations internationales bafouées ou insuffisantes, puissance des entreprises : le néolibéralisme fait fi de la plus élémentaire éthique.

Près des deux tiers de la population mondiale sont menacés par la pénurie d’eau. L’ONU prévoir en 2020 une augmentation de la consommation de 56% ( 8 milliards d’habitants).

Conséquences :

¤ Augmentation de l’insalubrité des zones pauvres des villes ( épidémies, maladies)

¤ Agriculture ( petits paysans) délaissant leurs terres faute d’eau.

¤ Diminution de la production agricole mondiale. (Importations pour les pays pauvres : dépendance et appauvrissement)

¤ Risques multiples de guerre entre pays partageant de grands fleuves ou les lacs.

¤ Destruction des fleuves et des océans.

Pollution et Famine.

Economie libérale. Privatisation de l’eau. Profits.

L’eau n’est pas un produit marchand comme les autres, qui peut être acheté et vendu suivant le sacro-saint principe du profit maximum.. L’eau fait partie du patrimoine de l’humanité. Ce n’est pas le point de vue des grandes multinationales qui ont déjà bien commencé à se l’approprier, ni celle des grandes instances internationales qui les soutiennent en tant qu’elle promeuvent le développement libéral du commerce. Les profits sur l’eau représentent aujourd’hui déjà environ 40% de ceux réalisés sur les produits pétroliers….alors que 5% seulement de l’eau disponible est dans les mains des multinationales. On peut se passer de pétrole quand on est très pauvre, pas d’eau potable ! On comprend l’agressivité des nouveaux conquérants de l’or bleu, si l’on considère les énormes potentialités de profit que le commerce de l’eau, vitale, représente.

« Stop » cite un article de Maude Barlow ( Auteur de « L’Or Bleu ».)

« Il existe actuellement dix grands acteurs privés qui distribuent l’eau potable dans un but commercial. Parmi eux, les Français Vivendi et Suez distribuent l’eau à des services liés à l’eau à plus de 200 millions de clients dans 150 pays, et ils sont engagés dans la course à l’expansion qui doit les mener, dans tous les recoins de la planète, à la possession de l’eau, aux côtés d’autres géants comme Bouygues,SAUR, RWE Thames Water, Bechtel United Utilities… Coca cola, Nestlé… »

Ils sont aidés par la banque mondiale, l’OMC et le FMI qui contraignent de plus en plus les pays du tiers monde à abandonner leur système public de distribution d’eau, en échange de leur éligibilité à la remise de leur dette. Ces organismes qui contrôlent, au profit des multinationales, le commerce mondial, accordent en effet aux groupes transnationaux de l’eau un accès sans précédent aux ressources en eau douce des pays signataires. Certaines entreprises ont entamé des procédures contre les gouvernements, armés de la protection de ces accords internationaux.

Le niveau de prestation de ces compagnies en Europe est bien connu : énormes bénéfices, un prix de l’eau qui grimpe, coupures pour les clients insolvables, aucune transparence des contrats, une qualité de l’eau de plus en plus médiocre, des pots de vin, de la corruption »

Cette qualité médiocre est très lucrative…quand on sait que ce sont les mêmes firmes qui vendent l’eau en bouteille ! dans certains pays comme Haïti, aucune eau naturelle n’est plus buvable. L’eau est vendue en bonbonnes de plastic ou livrée par camions dans les citernes. Toute la population est donc prise au piège. Les plus pauvres n’ont accès qu’à l’eau polluée génératrice de maladies souvent mortelles. Les gisements d’eau potable font l’objet, dans le monde entier, d’une gigantesque course au trésor.

« Tout n’est pas définitivement perdu : tout ce processus paraît redoutable, et il l’est en effet. Mais la situation n’est pas sans espoir. En fait, nous connaissons les moyens de préserver l’eau du monde : récupération des eaux usées, le choix de l’irrigation localisée contre l’irrigation par déversement, la conservation, la transformation radicale des moyens de production, et la gestion des bassins hydrologiques…

Toutefois, rien de tout cela ne se fera tant que l’humanité ne désignera pas l’eau comme une ressource mondiale et n’appliquera pas la loi – locale, nationale et internationale – à toute société ou tout gouvernement qui oserait la contaminer. Si nous autorisons la transformation des ressources mondiales d’eau en matière première, nous serons incapables de parer à la crise qui menace. Nous favoriserons l’émergence d’une élite de l’eau qui déterminera l’avenir des réserves mondiales en vertu de ses propres intérêts. Dans le cadre d’un tel scénario, ces réserves iront à ceux qui peuvent se le permettre, pas à ceux qui en ont besoin.[ … ]

L’antidote à l’eau matière première, c’est de prendre le parti inverse. L’eau doit être déclarée et comprise, pour le présent comme pour l’avenir, comme la propriété commune de tous. Dans un monde où tout est en cours de privatisation, les citoyens doivent établir un périmètre clairement défini autour de ces espaces qui sont à la fois sacrés pour la vie et nécessaires à la survie de la planète. »