Quelques artistes du fer

(actualisé le ) par Gérard

Les Bosmétal. Sculpteurs sur fer
Les Frères BALAN (Josnel, Romel et Julio)
Un art nouveau naquit ainsi voici quelque 70 ans. Le fer et le charbon nécessaires à la forge coûtant fort cher, la récupération fournit le matériau : les bidons de fuel hors d’usage, les « DWOUMS ». Ils sont achetés dans les environs de l’aéroport, amenés à Croix des Bouquets, passés au feu, puis décapés, coupés puis aplatis à force de bras et de jambes, martelés pour donner des plaques de 1.86 m x 0.86 m et des ronds de 60 cm de diamètre ou d’autres formes d’où surgiront des sculptures.
Les barils sont empilés, remplis d’herbes sèches brûlés pour nettoyer les restes de pétrole.
Le « Bosmétal » trace à la craie ou avec un clou, le dessin de l’œuvre qui sera ensuite découpée au burin et au marteau par ses aides et apprentis. Le maître apporte, par son martelage, la finition, le relief, les détails, et signe.

A Croix des Bouquets, dans la plaine de Cul-de-Sac, à l’est de Port au Prince, haut lieu du vaudou et centre agricole, il y avait des croix étranges dans le cimetière, portant des symboles rappelant les « vèvè » (symboles des dieux tracés au sol avec de la poudre de couleur). En 1953, Dewitt Peters les voit et demande le nom de leur auteur, Georges LIAUTAUD, né en 1899, alors âgé de 54 ans, forgeron, réparateur de pompes à eau et autres outils. « Pourquoi ne pas faire de la sculpture ? » dit Peters. « Pourquoi pas ? » répondit sans doute Liautaud, puisqu’en Haïti rien n’est impossible.

Robens Grand Pierre. l’un des artisans les plus imaginatifs.(Ci-dessous : photos Enfants-Soleil)
Les sujets sont multiples, tirés essentiellement du vaudou, bestiaire fantastique, ou de la nature, arbres, fruits et fleurs, corps d’hommes et de femmes. Lignes en mouvement, souples, élégantes ou brutales, toujours harmonieuses, noires et majestueusement décoratives.
En dehors des créations décoratives, multipliées à l’infini, il existe, dans le fond des ateliers, des sculptures originales, fascinantes, étranges, qui sont des oeuvres d’art, rarement vendues, et qui mériteraient de sortir de l’ombre.
Notre rêve est de les exposer un jour dans une galerie.

Les ateliers sont plus ou moins visités ou décorés suivant la notoriété du maître ( Boss)
Les petites figures comme les salamandres, papillons, grenouilles, hippocampes sont peint en séries, souvent par des artistes peintres qui viennent ici pour gagner leur vie, les peintures exposées en ville se vendant mal, faute de touristes.

Ces petites salamandres qui attendent leur couleur s’étalent sur les tables. La légende dit qu’elles peuvent traverser le feu sans dommage. Effectivement, elles trouvent souvent refuge dans les bûches, et quand on y met le feu, elles s’enfuient, semblant sortir des flammes.Mais la légende est bien plus intéressante que l’explication.Et l’image pourrait être celle de ce peuple qui semble sans cesse renaître avec plus de force, de vigueur et de couleur, des catastrophes qui le broient.

Plus prosaïquement, ces activités qui se développent créent des emplois, en charmant le visiteur, et constituent une activité économique importante pour le pays.
Dans les ateliers sont accrochés aux murs les sculptures et les modèles en carton qui serviront à reproduire les figures à la craie sur les tôles, avant d’êtres découpées au burin.
L’Ange à cheval.(Photo Enfants-Soleil)
Et vous aurez parfois, au milieu de tout cela, l’occasion de découvrir une sculpture magnifique.Mais faute d’amateurs éclairés, elles resteront sans doute ici, indéfiniment, dans la poussière.Cet ange cavalier, tout droit sorti de la mythologie Vaudou ( voir rubrique "Histoire d’Haïti") invite au songe.Est-ce la représentation d’un héro de la libération du pays ? Toussaint Louverture ? Dessaline ? Ou l’un de ces personnages composites du monde parallèle de l’imaginaire ? On ne voit jamais les racines de l’arbre, qui pourtant lui donnent vie. Comme les arbres de vie sculptés, ou ces grands banians ou figuiers sacrés, peuplés de créatures diaboliques ou favorables, mais toujours vivantes, les oeuvres ouvrent la porte du rêve.

"We are such stuff as dreams are made on" disait Hamlet....nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits.

"L’oeuvre naïve, écrivait Laënnec Hurbon dans son livre "Le Barbare imaginaire" n’est pas la représentation d’une profondeur enfouie, ni d’un inconscient collectif réprimé. Elle n’a rien à voir non plus avec le rem)plissement d’un désir caché. Elle n’est pas à déchiffrer comme un rêve. C’est un espace pour le rêve qu’elle commence par produire, ou si l’on veut, c’est la possibilité même du rêve qu’elle cherche. Possibilité d’écart, de fuite, par rapport au monde réel : monde faux, artificiel, étranger."
Gérard Renard.